Hannah Brais, responsable de la recherche à la Mission Old Brewery, contribue activement aux travaux de recherche de l'organisation depuis 2018.
Mon rôle englobe tout ce qui touche à la recherche. Ça implique non seulement de travailler avec des chercheurs et chercheuses universitaires sur des questions liées à nos services et notre clientèle, mais aussi de développer des projets qui vont faire avancer nos programmes. Nous sommes l’un des seuls organismes en itinérance au pays qui a ce type de département. Je n’en connais pas d'autres qui ont ce modèle axé non seulement sur l'évaluation de ses services, mais aussi qui vise à avoir une meilleure compréhension de l'itinérance au Canada.
Par le passé, nous avons eu plusieurs chercheurs et chercheuses qui ont collaboré avec la Mission Old Brewery et qui ont réalisé des travaux importants. Nous souhaitions les appuyer dans leurs démarches, car on croit à l’importance de la recherche. Mais souvent après leur passage, il était difficile d’obtenir les résultats qui étaient liés à nos besoins.
Il y a 15 ans, la Mission Old Brewery a donc décidé de mettre sur pied un département de recherche à l’interne afin d'aborder les questions qui nous tiennent à cœur et de s’assurer qu’il y ait un protocole éthique en place pour la recherche auprès des personnes en situation d’itinérance.
Initialement, l’intention était d’informer nos pratiques, mais avec le temps, c’est devenu plus large. On a voulu aussi contribuer à une meilleure compréhension de l'itinérance, non seulement pour nous à l'interne, mais aussi pour tout le secteur.
Plusieurs facteurs expliquent cette surreprésentation. Par exemple, les personnes appartenant à la communauté 2SLGBTQIA+, comme pour n’importe quel groupe qui vit de la discrimination, vont souvent avoir plus de difficultés à obtenir un appartement. D’autant plus que le prix d’un appartement n’est plus ce qu’il était il y a dix ans. C’est donc encore plus difficile pour des gens qui ont de la difficulté à avoir accès à de l’éducation et à de l’emploi. Ou parfois, ce sont des personnes qui ont vécu des choses extrêmement difficiles à cause de leur identité de genre ou leur sexualité. Il peut y avoir des facteurs traumatisants qui font en sorte qu’ils ne cadrent tout simplement pas dans la dynamique normative emploi/logement.
Ça peut être car elles ont été écartées de leur cercle familial et de soutien. De mon point de vue, il n’y a pas assez de recherches sur l’itinérance chez les adultes de la communauté 2SLGBTQIA+, mais on voit surtout chez les jeunes qui s’y retrouvent que, souvent, ils ont été mis à la porte à cause de leur identité. Ils ont perdu le lien avec leur famille biologique.
Le filet social qui existe et qui garde les gens hors de l’itinérance n’est pas nécessairement là pour les personnes 2SLGBTQIA+. Mais, ce n’est pas toujours le cas, il faut aussi prendre en considération l’intersection avec la pauvreté. Pour les personnes de la communauté, quelqu’un qui n’a pas nécessairement le facteur de discrimination visible va peut-être se sortir d’une pauvreté intergénérationnelle, mais c’est beaucoup plus difficile quand on vit de la discrimination à cause de notre apparence. Ce sont tous des éléments qui peuvent, en parti, expliquer pourquoi il y a une représentation accrue des individus 2SLGBTQIA+ en itinérance.
Pour la Mission Old Brewery, ça fait longtemps dans le secteur communautaire qu’on est reconnu comme le service qui accueille tout le monde incluant les personnes trans et queer.
En ce moment, on développe un projet de recherche avec la professeure Jayne Melenfant de l’Université McGill sur les options possibles afin d’adapter nos services pour la communauté 2SLGBTQIA+. On va commencer avec des groupes de discussion avec notre personnel, dont l’équipe d’intervention et les gestionnaires, on va tenter d’avoir des groupes mixtes pour aborder la question. Comme personne queer, je veux faire avancer cette question, puisque dans mon parcours de vie personnel, j’ai été témoin de ces enjeux. J’aimerais avoir l’opportunité que ça se reflète dans la recherche considérant qu’il y en a très peu qui ont abordé ces questions.
Oui. Je m'identifie comme queer. Ça fait 17 ans que je me définis comme faisant partie de la communauté. Il y avait un moment dans ma vie où je me posais des questions sur mon identité. Et finalement, je suis arrivée à queer pour l'intersection de genre et d'orientation sexuelle. Je ne m'identifiais pas nécessairement auparavant dans la dynamique binaire homme/femme. Pour plusieurs personnes, « queer » est une expression un peu parapluie pour des gens qui font partie de la communauté. Mais pour d'autres, c’est une manière de dire qu’il n’y a pas vraiment un mot attaché à leur identité.
Au début du mouvement pour les droits et la visibilité des personnes 2SLGBTQIA+, les droits de certains groupes n’étaient pas nécessairement reconnus. Les membres de la communauté pouvaient perdre leur emploi ou se faire refuser un logement à cause de leur identité sexuelle ou de genre. Donc, pour moi, l'intérêt est de prendre en considération où nous sommes est rendus et de continuer à se rappeler ce qui peut être perdu. Et même si tout ne va pas forcément bien dans la société, on a un moment pour être nous-mêmes.