Dans un article paru le 10 décembre dans The Gazette, la journaliste Michelle Lalonde rapporte qu’un refuge de l’est de Montréal laisse des personnes en situation d’itinérance assises sur des chaises en plastique toute la nuit. Elle écrit :
« L’an dernier, CAP St-Barnabé a demandé et obtenu un financement pour offrir un service d’accueil de nuit avec 20 chaises. Cette année, ils ont reçu une nouvelle subvention et offrent maintenant à 30 personnes la possibilité de passer la nuit (…) assises à une table sur une chaise en plastique. (…) ‘Ce n’est certainement pas, pour nous, une solution à long terme, dit [la directrice générale adjointe], mais d’un autre côté… c’est mieux que d’avoir quelqu’un qui gèle dehors en plein hiver’ [traduction libre] ».
Depuis des décennies, les gouvernements provinciaux et municipaux au Canada ont soutenu des programmes « hors du froid » qui financent des organisations communautaires pour offrir des chaises, des matelas, des lits de camp et d’autres installations rudimentaires aux personnes sans logement pendant l’hiver. Le financement s’étend généralement de décembre à avril et ne couvre que les soirées et les nuits. Il est alors demandé aux organisations à but non lucratif d’avoir recours à leur personnel existant ou d’embaucher du personnel supplémentaire, et de transformer les cafétérias ou autres espaces communs en dortoirs pendant quatre ou cinq mois, seize heures par jour.
Dans la majorité des cas, les organisations assument cette tâche difficile et le financement à court terme parce que, pour les clients sans logement, c’est « mieux que de mourir de froid ». Face à ce choix entre « geler ou ne pas geler », comment répondre autrement ?
Mais ce n’est pas la bonne question qui est alors posée. Si nous acceptons ce nivellement par le bas, il serait logique d’offrir des tentes aux personnes non logées parce que c’est préférable à l’option de dormir dehors sans tente. Jusqu’où pouvons-nous aller si la seule question est de savoir comment empêcher les gens de mourir de froid ?
Quand les politiques publiques sont basées sur cette question, le résultat est que les personnes non logées au 1er décembre le seront toujours au 1er avril. Un grand effort sera fait pour leur offrir un coin dans une cafétéria dans les nuits les plus froides, mais leur chance de quitter l’itinérance n’aura pas augmenté. Plutôt, on les aide à demeurer dans une itinérance chronique qui, souvent, est encore plus difficile à surmonter par la suite.
Nos organismes, ainsi que d’autres organisations travaillant en itinérance à Montréal, croient que les politiques gouvernementales, tant au provincial qu’au municipal, devraient être fondées sur une question différente : si notre objectif commun est de mettre fin à l’itinérance et non de simplement la gérer pendant les mois d’hiver, comment pouvons-nous atteindre ce but ? Manifestement, la réponse ne se trouve pas dans des mesures saisonnières temporaires de seize heures par jour. Il faut penser à des programmes annuels 24 h/24, 7 j/7 avec un personnel formé et professionnel qui peut aider les personnes vulnérables non seulement à survivre à l’hiver, mais à quitter l’itinérance pour de bon et trouver un logement abordable. On parle ici de trouver un endroit où dormir dans la dignité. Également, c’est savoir qu’un conseiller compétent vous soutiendra et travaillera avec vous pour choisir la voie à suivre, en toute saison. De plus, ces mesures permettront d’éviter que des personnes meurent de froid pendant nos hivers canadiens.
Dans un rapport intitulé Trois pas de plus, nos organismes ont fait une série de recommandations conjointes au gouvernement : du financement 24 h/24, 7 j/7, 365 j/année pour des programmes professionnels d’urgence, un investissement massif dans le logement pour les personnes en situation d’itinérance et un système d’accès coordonné pour s’assurer que les personnes non logées soient dirigées vers les bonnes ressources aussi rapidement que possible. Cela coûtera davantage que de fournir des chaises pendant quatre mois dans l’année, mais cela permettra à des personnes d’avoir accès à un logement permanent et fera économiser de l’argent à long terme en réduisant le besoin d’avoir recours à des services d’urgence dispendieux.
Assez, c’est assez. Nous demandons à nos gouvernements de mettre fin à leur politique de financement de mesures hivernales temporaires qui maintient les personnes dans un état d’itinérance chronique et de poser la bonne question : comment pouvons-nous inverser la propagation de l’itinérance dans notre ville et notre province, et sortir les gens de la rue une fois pour toutes ?
James Hughes – Mission Old Brewery
Président et chef de la direction
Jaëlle Begarin – Maison du Père
Présidente-directrice générale
Fiona Crossling – Accueil Bonneau
Directrice générale
Sam Watts – Mission Bon Accueil
Président-directeur général