Mario, un ex-caporal d’infanterie des Forces armées canadiennes, n’a pas eu la vie facile. Enfant, il s’est fait fouetter à l’école primaire. Adolescent, il a vécu un épisode d’itinérance à Toronto et a été violemment battu dans la rue. De plus, il souffre de dyslexie et est atteint du syndrome Gilles de la Tourette, un trouble neurologique qui se manifeste par des tics vocaux et moteurs.
Tout cela n’a pas empêché Mario de devenir un homme autonome et sociable, protecteur et profondément attaché à sa famille. En tant que fils aîné, il prenait grand soin de ses trois frères. Il a eu deux fils, et l’un d’eux lui a donné un magnifique petit-fils qui aura bientôt 2 ans.
Oui, Mario était un leader fort et confiant, et il a toujours nourri son intérêt pour la peinture et la lecture, malgré sa dyslexie. « J’ai terminé mon premier livre en neuvième année. J’arrivais à lire seulement 15 minutes puis j’avais mal à la tête. Mais je me suis forcé à lire un peu chaque jour et, aujourd’hui, je sais le faire dans les deux langues. Je n’ai jamais laissé ma dyslexie me servir d’excuse », nous a-t-il affirmé avec fierté.
Après avoir exercé toutes sortes de métiers, dont celui de soudeur, Mario s’est enrôlé dans nos Forces armées. Il croyait que l’intensité de la vie militaire et le fait que celle-ci vise la protection des gens conviendraient parfaitement à son tempérament. Hélas, les trois ans qu’il a ainsi passé à servir son pays n’ont fait qu’empirer ses problèmes.
Il n’a pas été envoyé en mission à l’étranger et n’a participé à aucun combat. Mais, dans son régiment, il a subi des violences physiques qui l’on profondément marqué et contre lesquels il s’est retrouvé impuissant : « Je me sentais comme un petit chien qu’on abuse et qui ne peut réagir qu’en jappant. »
Il a donc quitté l’armée, et en très mauvaise santé : anxieux, paranoïaque, profondément déprimé et dans un état de grande faiblesse physique. À l’hôpital Enfant-Jésus de Québec, il a dû être hospitalisé en psychiatrie pour la première fois de sa vie. « J’ai été transféré au service de psychiatrie en fauteuil roulant parce que je ne pouvais plus bouger. C’était comme si mon corps avait abandonné. J’étais complètement épuisé », nous a-t-il raconté.
Par la suite, Mario a décidé de continuer à se faire soigner à Montréal. Il avait seulement 80 $ en poche et s’était douloureusement séparé de sa conjointe, la mère de ses deux fils. Dans un refuge pour sans-abri, un vétéran lui a parlé du programme des Sentinelles de rue. Mario s’est alors rendu à la Mission Old Brewery, où il a rencontré Kasandra Szalpliski, conseillère en intervention.
Kasandra a tout de suite compris la gravité des problèmes de Mario, car il lui a confié qu’à cause de son anxiété et de sa paranoïa, il craignait de dormir dans un dortoir : « Je suis quelqu’un qui aime aider les autres, mais en ce moment, je ne fais confiance à personne. J’ai peur de moi-même et de la façon dont je pourrais réagir face aux gens dormant autour de moi. »
Nous avons alors été en mesure de lui fournir un petit espace semi-privé cloisonné et un casier pour ranger ses effets personnels, ce qui a décidé Mario à rester à la Mission : « J’étais soulagé, content d’être ici. À ce moment-là, j’étais encore presque paralysé et j’arrivais à faire très peu par moi-même. »
Moins de deux semaines plus tard, Mario a été en mesure de déménager en logement – un grand moment pour lui : « Kasandra m’a soutenu tout au long des étapes pour trouver un appartement; un vrai chez-moi. Je lui en suis très reconnaissant. Elle m’a même aidé à faire l’épicerie et accompagné à mon appartement en autobus, parce que la navette de la Mission n’était pas disponible. »
Son appartement, lumineux, propre et entièrement meublé, est situé sur une petite rue tranquille et bordée d’arbres au bord de l’arrondissement Plateau-Mont-Royal. C’est un endroit idéal pour une convalescence.
Kasandra a aussi aidé Mario à s’inscrire sur une liste d’attente pour obtenir d’autres soins psychiatriques. Il est impatient de reprendre une vie normale, qu’il a déjà planifiée. « Je veux régler mes problèmes, puis aller étudier à l’Université McGill en art ou en droit, pour aider les orphelins dans le monde. C’est une carrière dont je rêve depuis mon adolescence, et c’est ce qui me motive à guérir », en précisant qu’il est malheureusement incapable de travailler pour l’instant.
En attendant ses traitements, Mario s’adapte doucement à son nouvel appartement et tente de chasser ses idées noires par la lecture. Les biographies sont ses livres préférés, comme celle d’Einstein, qu’il a adorée. « Il était mon idole quand j’étais jeune, nous a-t-il mentionné. Comme moi, Einstein était dyslexique et il apprenait lentement, mais il a surmonté ces obstacles. Il enseignait aussi aux enfants ayant des difficultés d’apprentissage. »
Mario s’est même remis à la peinture : « J’ai peint une œuvre abstraite, la semaine dernière. C’était la première fois que je tenais un pinceau depuis longtemps », nous a-t-il dit en se rappelant l’époque où le plus vieux de ses deux fils s’assoyait à ses côtés pour le regarder peindre.
Il était important pour Mario de partager son histoire. En effet, il souhaite que d’autres ex-militaires sans-abri, notamment ceux qui seraient tentés de s’évader dans l’alcool ou la drogue, soient informés du programme des Sentinelles de rue. « Je les invite à demander de l’aide. Ils trouveront à la Mission Old Brewery des intervenants très flexibles, compréhensifs et compatissants, qui analysent rapidement les besoins pour aider du mieux qu’ils le peuvent. »
Bonne chance, courageux Mario! Nous sommes certains que tu guériras et que tu pourras reprendre complètement ta vie en main.