La montée de l’itinérance est le reflet direct de la crise du logement

03 septembre 2024
Anne Cabaret
Photo d'un homme assis sur un banc à l'accueil de la Mission Old Brewery au Pavillon Webster.
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Photo: Marie-France Coallier archives Le Devoir

La présentation, la semaine dernière, de la très attendue stratégie québécoise d’habitation du gouvernement Legault a provoqué des réactions marquées dans le milieu du logement social et communautaire, et à juste titre.

Bien que certaines mesures proposées montrent une volonté louable de répondre à la crise du logement, le secteur de l’itinérance reste sur sa faim. Cette stratégie, en se concentrant principalement sur l’accroissement de l’offre globale en logements, y compris du secteur privé, manque cruellement de vision à long terme pour les logements sociaux et communautaires. Elle néglige ainsi une dimension pourtant essentielle : l’abordabilité.

Avec cette stratégie, le gouvernement mise avant tout sur l’accélération des constructions pour répondre à la pénurie de logements. Cette approche, qui inclut l’utilisation de bâtiments préfabriqués, la mobilisation rapide de la main-d’oeuvre, et l’allègement des réglementations en matière d’environnement, d’urbanisme et de patrimoine, pourrait effectivement permettre de construire plus de logements en moins de temps.

Cependant, une telle stratégie axée sur la rapidité et la quantité soulève des inquiétudes. Par exemple, le recours aux bâtiments préfabriqués représentera de nombreux défis pour des projets dans les quartiers centraux de Montréal, où sont développés plusieurs projets pour clientèles vulnérables.

L’allègement des réglementations pourrait également niveler vers le bas la qualité du développement urbain et architectural au Québec. Il est donc crucial de faire preuve de vigilance et d’adapter ces solutions aux réalités urbaines et aux besoins des populations vulnérables.

Néanmoins, certaines nouveautés de la stratégie méritent d’être saluées. Par exemple, la reconversion d’immeubles patrimoniaux en logements pourrait offrir de nouvelles occasions, à condition que ces projets soient réellement accessibles aux personnes à faible revenu. De même, l’annonce d’un nouveau budget pour la décontamination des sols est une mesure nécessaire pour rendre possible le réaménagement de sites en milieu urbain.

Il ne faut pas l’oublier, la crise du logement et la crise de l’itinérance que nous connaissons aujourd’hui sont intimement liées. De plus en plus de ménages se retrouvent à la rue pour des raisons économiques, incapables de supporter les hausses de loyer qui s’accumulent, ou sont victimes d’éviction, un phénomène à la hausse au Québec, mais plus particulièrement dans la grande région de Montréal.

Malgré ce lien de causalité important, l’itinérance est étonnamment la grande absente de cette nouvelle stratégie, plutôt reléguée au Plan d’action interministériel en itinérance 2021-2026.

Certes, certaines initiatives sont mentionnées, comme la réservation de 500 logements dans le cadre du Programme d’habitation abordable Québec et le fait d’encourager des municipalités à l’exonération de taxes ou à la vente des immeubles en dessous de leur valeur marchande pour des logements ou des hébergements transitoires. Cependant, ces mesures, bien que positives, restent insuffisantes pour répondre à l’ampleur de la crise.

Besoins

Bien que nous reconnaissions la volonté du gouvernement de développer plus de logements et de tenter de répondre à la crise actuelle, nous devons également souligner les limites de cette stratégie.

Est-il nécessaire de rappeler que la crise actuelle est avant tout une crise de l’abordabilité, bien plus qu’une simple question d’offre ? Pour y remédier, il est impératif que le gouvernement fixe un objectif clair de 20 % de logements hors marché et renforce le soutien aux projets sociaux et communautaires.

À la Mission Old Brewery, nous nous sommes fixé l’objectif de doubler le parc de logements dont nous sommes propriétaires afin d’atteindre le nombre de 500 logements d’ici 2028. Pendant ce temps, la cible du gouvernement demeure de 500 logements destinés à l’itinérance pour tout le Québec…

Faut-il rappeler que, selon les dernières statistiques obtenues en 2022, à Montréal seulement, près de 5000 personnes dorment dans les rues ou les hébergements d’urgence chaque soir ? Nous comptons maintenant sur le gouvernement afin de libérer rapidement les fonds nécessaires et d’accélérer les processus permettant le développement de nouveaux projets.

Il devient évident que le défi du logement ne pourra être relevé sans une approche globale, inclusive et durable. Espérons que cette stratégie, bien qu’imparfaite, ouvrira la voie à des solutions mieux adaptées aux besoins de toutes les communautés, en particulier les plus vulnérables.

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