Neila Ben Ayed, directrice des services aux femmes, Mission Old Brewery au Pavillon Patricia Mackenzie
La Journée internationale des droits des femmes est l’occasion de souligner que le phénomène de l’itinérance chez les femmes ne sera éradiqué qu’avec l’implication franche et totale de toutes les strates de la société. Ceci inclut tous les acteurs et actrices de la communauté : de l’État à la cellule familiale.
L’itinérance a littéralement explosé à Montréal depuis la pandémie : 20% des personnes sans-abri sont des femmes. Elles se retrouvent au bas de l’échelle, pour ne pas dire aux ras des pâquerettes de la société.
Le parcours typique d’une femme itinérante à Montréal se déroule comme suit : à la suite de violence conjugale ou familiale, d’instabilité financière, de consommation excessive de drogues et dans certains cas, de problèmes de santé mentale, une femme peut se retrouver du jour au lendemain sans toit, allant d’un domicile à un autre jusqu’à errer dans les rues de Montréal et y élire domicile. Voulant fuir une instabilité familiale ou une grande violence physique ou encore une relation toxique, elle doit désormais composer avec l’exclusion et le dénuement total jusqu’à ce qu’elle atterrisse dans un organisme tel que la Mission Old Brewery.
Nathalie, une résidente du Pavillon Patricia Mackenzie, témoigne de sa condition d’exclue car elle ne correspond pas aux « normes » de la société :
Elle a 46 ans, elle est divorcée et monoparentale d’une fille de 9 ans. Il y a encore quelques mois seulement, elle étudiait et travaillait en même temps et essayait tant bien que mal d’assurer son rôle de maman et de veiller au bien-être de ses parents malades, avec lesquels la relation n’a pas toujours été de tout repos. Elle a lutté contre la dépression pendant plusieurs années, a fait une tentative de suicide, s’est fait arnaquer par son amoureux, puis mise à la porte par un membre de sa famille. Aujourd’hui, elle n’a plus de domicile fixe, sa fille est placée dans un centre de protection de l’enfance à sa demande en raison de son instabilité émotionnelle et de la précarité financière de Nathalie. Elle se bat pour aller mieux, gérer ses problèmes de santé mentale, retrouver une vie stable et récupérer sa fille.
L’histoire de Nathalie est celle de plusieurs autres femmes, en situation d’itinérance. Mettre fin à ce phénomène passe par la prévention et la prise en main rapide et efficace des femmes marginalisées. C’est pourquoi nous pensons que le gouvernement du Québec doit immédiatement prioriser les femmes en situation d’itinérance dans les nouveaux projets de logement et programmes de suppléments au loyer. Faute de quoi, elles resteront prisonnières du cercle vicieux de l’itinérance.
Dans sa situation, Nathalie vit mal la stigmatisation que la société lui inflige. Elle a décrit une scène vécue au dépanneur du coin : le vendeur était courtois avec elle, jusqu’à ce qu’il apprenne, pendant leur discussion, qu’elle habite au Pavillon Patricia Mackenzie de la Mission Old Brewery. Sa sympathie a laissé place à un froid gênant, exprimant ce rejet.
Nous souhaitons que cette journée soit l’occasion de mettre en lumière les efforts que font les femmes en situation d’itinérance pour retrouver une vie stable. D’où la nécessité de changer le regard que pose la société sur ces battantes qui peinent à se relever de leur cauchemar, à l’intérieur d’une société qui les marginalise.