Itinérance et crise du logement abordable: des idées pour renverser la vapeur

13 juin 2022
James Hughes

Les personnes qui travaillent en itinérance suivent de près les marchés du logement abordable. Nous voulons plus de logements et moins d’itinérance. Or, c’est le contraire qui se produit. 

Selon l’expert canadien en logement Steve Pomeroy, le Canada a perdu plus de 320 000 logements abordables entre 2011 et 2016. Montréal a perdu 80 000 logements sur cette période, soit environ 16 000 par an. Et des dizaines de milliers de plus depuis. Des investisseurs ont englouti la part du lion de ce parc locatif, rénovant et augmentant les loyers. Selon M. Pomeroy, l’augmentation annuelle moyenne des loyers de ces appartements autrefois abordables a été de 20 %. Les gouvernements ont financé l’ajout de nouveaux logements abordables au cours de la dernière décennie, mais seulement au rythme d’environ un logement pour 10 logements perdus.

Le logement est le nouvel or et les investisseurs s’en donnent à cœur joie, aux dépens des locataires vulnérables.

La Mission Old Brewery a eu connaissance de quelques situations déplorables survenues avec certains grands propriétaires commerciaux pour faire fuir des personnes vulnérables de leur appartement, en invoquant de fausses violations de bail, en faisant preuve d’intimidation et en imposant des augmentations de loyer illégales.

Ce n’est donc pas une coïncidence si l’itinérance augmente. En 2018, il y avait un minimum de 3149 personnes en situation d’itinérance au cours d’une nuit, à Montréal. Le prochain dénombrement sera effectué en octobre prochain, mais les experts estiment que la population itinérante a encore augmenté, pour atteindre environ 4000 personnes.

Un pas en avant, deux pas en arrière

Les politiciens mettent l’accent sur les réponses à la crise du côté de l’offre. Les libéraux fédéraux ont ainsi annoncé le financement de 160 000 nouveaux logements abordables au cours des 10 prochaines années. Toutefois, cela ne sera pas suffisant. « Compte tenu du rythme auquel les logements disparaissent, nous sommes en train de reculer sur le tapis roulant », a récemment déclaré M. Pomeroy.

Inverser la tendance

Nous avons besoin d’une nouvelle offre comme les projets financés par l’initiative fédérale de relogement rapide. La Mission Old Brewery est l’un des nombreux organismes à développer des logements abordables et adaptés aux personnes ayant des besoins complexes. Nous accueillons favorablement les possibilités de financement ciblées, mais elles ne suffiront pas. L’offre supplémentaire de logements doit être complétée par des interventions réglementaires importantes pour « définanciariser » les marchés du logement. Voici quatre idées pour y parvenir :

 

1. Afin de freiner l’acquisition d’un plus grand nombre de logements abordables par des investisseurs, le gouvernement provincial devrait plafonner l’augmentation des loyers des logements abordables nouvellement acquis, que des rénovations soient effectuées ou non. Cette mesure devrait contribuer à réduire le nombre de rénovictions auxquelles nous assistons.

 

2. Une mesure connexe consiste à mieux équiper les locataires pour qu’ils puissent contester les expulsions devant le tribunal administratif du logement. À New York, les expulsions ont chuté de 40 % après que les locataires se sont vu attribuer un avocat sans frais pour mieux défendre leurs intérêts devant le tribunal.

 

3. Montréal a déjà mis en place certains contrôles sur la conversion d’appartements en modèles de type Airbnb. Il est maintenant grand temps que le gouvernement provincial impose un gel complet de ces conversions.

 

4. Montréal devrait agir rapidement pour permettre la conversion de certaines tours commerciales vacantes en logements locatifs abordables.

 

Des mesures novatrices doivent être mises en place rapidement, tant sur le plan municipal que provincial, non seulement pour aider à créer des couloirs de sortie des refuges pour les personnes sans-abri vers des logements abordables, mais aussi pour prévenir d’autres cas d’itinérance. C’est maintenant qu’il faut agir.

 

James Hughes, président et chef de la direction, Mission Old Brewery

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