À première vue, la Maison des voisines de Lanaudière, située au cœur du Plateau Mont-Royal, ressemble à beaucoup d’autres triplex de ce quartier convoité et animé de Montréal. À l’intérieur, c’est l’ambiance chaleureuse d’une résidence familiale qui vous happe en premier avec ses effluves de nourriture qui mijote sur le feu, le bruit sourd de la machine à laver et une dame qui tricote au salon.
Les résidentes de ce triplex ont quant à elles un parcours atypique beaucoup moins lumineux que ces appartements-relais du Plateau. Ces femmes qui habitent la Maison des voisines de Lanaudière ont d’abord été accueillies quelques mois plus tôt au Pavillon Patricia Mackenzie, le service d’urgence des services aux femmes de la Mission Old Brewery qui vient en aide aux femmes en situation d’itinérance.
L’itinérance est une réalité difficile à entendre et voir, mais importante à adresser en tant que société. Selon le Homeless Hub, sur les 235 000 Canadiens qui vivent en situation d’itinérance, 27% sont des femmes (Homeless Hub. The State of Homelessness in Canada 2016, [En ligne]. https://homelesshub.ca/SOHC2016 (page consultée le 7 mars 2019).
Le plus souvent, elles portent un passé douloureux et certaines doivent se reconstruire suite à des conditions de vie difficiles. La violence et la précarité que vivent beaucoup de femmes n’est plus un phénomène inconnu dans notre société. Certaines ont vu leur réseau social s’effriter ou n’en ont jamais eu, ce qui a pour effet de réduire les chances de pouvoir avoir du soutien lors de périodes difficiles. Nous le savons maintenant grâce à des campagnes de sensibilisation : le quart des canadiennes et des canadiens seront confrontés à une problématique de santé mentale. Il arrive que des répercussions découlant de cette situation maintiennent des personnes dans une instabilité ne leur permettant pas de conserver leur logement. Pour d’autres, il s’agit de problème de dépendance. Comme les difficultés sont plurielles, les solutions se doivent de l’être à leur tour.
Sans l’appui généreux de la Fondation Marcelle et Jean Coutu, la Maison des voisines de Lanaudière n’aurait pu voir le jour. Lors de sa visite au Pavillon Patricia Mackenzie – qui abrite les services d’urgence destinés aux femmes – Madame Marie-Josée Coutu a demandé à la directrice des Services aux femmes de la Mission Old Brewery et à son équipe : « Quel serait leur rêve le plus cher, pour l’avenir ? » Notre rêve, issu de notre désir de mettre à fin à l’itinérance chronique à Montréal, était de pouvoir offrir un milieu de vie digne à des femmes en processus de réaffiliation à la communauté. L’idée étant de créer un environnement communautaire à l’extérieur des services d’urgence déjà surpeuplés.
Marie-Josée Coutu nous a mis au défi d’innover en combinant nos connaissances, notre expertise et notre expérience pour imaginer un lieu singulier et réfléchi. Sans la contribution financière de Madame Coutu, ce projet novateur n’aurait pas pu voir le jour.
Le 1er novembre 2018, la nouvelle Maison des voisines de Lanaudière ouvre ses portes et accueille ses 10 premières voisines.
Parce que toutes les femmes vivent une situation qui leur est propre, le besoin de soutien psychosocial varie également d’une personne à une autre. Certaines doivent réapprendre à vivre en communauté, développer certaines compétences de la vie quotidienne, comme cuisiner ou apprendre à gérer son budget, développer sa confiance en soi et se donner le droit de retrouver une juste place dans la communauté.
On ne se remet pas d’une expérience de vie en itinérance du jour au lendemain. Trop longtemps restreintes à l’usage des ressources en hébergement d’urgence, les femmes sont sur la trop longue liste d’attente des logements subventionnés ou peinent à se trouver un logement décent et abordable dans le parc locatif privé. Ainsi, le projet d’appartement-relais à la Maison des voisines de Lanaudière permet de bonifier cette attente pour mieux rebondir et se donner les moyens de développer de meilleurs outils pour concrétiser une stabilité résidentielle.
La Mission Old Brewery s’est alliée avec l’équipe de l’Université McGill afin d’analyser les données que nous récoltons chaque jour et depuis, nous pouvons mettre en place des projets concrets. Beaucoup des données compilées dans les dernières années concernaient les hommes et nous y avons remédié.
Comme le mentionne la coordonnatrice de recherche, Hannah Brais : « Si nous voulons une véritable solution à l’itinérance chez les femmes, nous devons d’abord miser sur la collecte de données pour mieux comprendre leurs expériences. Si en tant qu’organismes communautaires, nous continuons à nous appuyer sur des données centrées sur les expériences des hommes sans-abri pour créer des programmes destinés aux femmes, nous ne parviendrons pas à prendre en compte la complexité unique de leur trajectoire dans la rue ».
Aux sceptiques qui pourraient croire que le Plateau peine à intégrer des femmes en situation de précarité, nous sommes fières d’avoir fait la preuve du contraire !
La gentrification, si elle a un sens, est bien celui de la mixité sociale réelle, un milieu de vie ou des individus issus de toutes les conditions économiques et sociales peuvent vivre en harmonie. La littérature de Michel Tremblay n’a-t-elle pas immortalisé les classes populaires qui habitaient le quartier ? La preuve en est, les nombreux organismes communautaires qui demeurent et qui encouragent ces initiatives au profit du vivre ensemble.
Nous avons qu’à penser aux Petits frères, à La Maison des amis du Plateau Mont-Royal, ou à Renaissance qui côtoient sur la même artère, les boutiques branchées et les petits restaurants à la mode. Il faut également souligner toute la bienveillance du voisinage qui a accueillis sans préjugés l’arrivée de cette nouvelle maison à vocation sociale dans leur quartier.
La Maison des voisines de Lanaudière est belle et bien alors devenue un lieu d’interaction multiple dans un environnement porteur d’espoir. Le désir de la directrice des Services aux femmes, Florence Portes, était de s’assurer que les femmes arrivent dans un quartier stimulant où il y avait un tissu communautaire suffisamment serré pour les aider à supporter ce projet ambitieux de mixité sociale.
Aujourd’hui, des femmes qui ont vécue en itinérance se familiarisent avec leur quartier et se promènent au gré des journées qui passent, apaisées, elles se permettent enfin d’espérer une vie plus douce et reprendre le pouvoir sur leur propre vie.
Un message d’intérêt public produit gracieusement par une équipe de professionnels du cinéma pour les Services aux femmes de la Mission, lancé le 8 mars dernier à l’occasion de la Journée internationale des femmes, montre le parcours d’une femme qui quitte le Pavillon Patricia Mackenzie vers un chez-soi à elle. À la toute fin, elle marche dans son nouveau quartier et entre dans un appartement du Plateau, représentatif de la Maison des voisines de Lanaudière. Visionnez la vidéo ici et voyez-la franchir cette étape émouvante.
Découvrez le témoignage de France, une femme dont son parcours l’a menée à la Maison des voisines de Lanaudière.