Lorsque notre département de recherche a découvert que 50 % de nos ressources étaient consacrées à seulement 15 % des utilisateurs de notre refuge – les personnes en situation d’itinérance chronique – il était clair que quelque chose devait changer. Depuis, nous avons transformé nos services en nous concentrant sur une approche Logement d’abord : le logement représente aujourd’hui notre plus grande offre de services.
En collaboration avec l’Université McGill depuis 2010, l’équipe de recherche s’efforce de brosser un tableau de l’itinérance qui reflète la réalité que vivent les personnes sans-abri et les raisons pour lesquelles elles se retrouvent en situation d’itinérance. L’équipe transforme les données brutes en informations précieuses pour mieux répondre aux besoins des personnes sans-abri de manière à les sortir définitivement de la rue.
Hannah Brais, coordonnatrice de la recherche à la Mission, explique qu’avant de pouvoir passer les données au peigne fin et rédiger des rapports, une grande partie de son travail requiert de chercher des données et de trouver les personnes qui les détiennent – les clients qui ont recours aux services. « Une journée typique peut consister à dénicher quelqu’un pour un entretien ou à apposer des affiches de recrutement pour parler aux participants qui ont utilisé les services, raconte-t-elle. Selon la façon dont un projet de recherche est conçu, nous pouvons nous appuyer sur les données de la base de données du Système d’information sur les personnes et les familles sans-abri (SISA), mais nous nous appuyons souvent sur des données qualitatives pour comprendre l’expérience et la trajectoire des personnes. Nous menons des entretiens dans le cadre de projets et nous collectons des données démographiques en même temps, par exemple lors des entretiens pour le refuge de débordement de Royal Victoria, et nous interrogeons également le personnel. »
Hannah souligne à quel point la culture des données a changé et s’est améliorée récemment, non seulement au sein de la Mission, mais aussi parmi les organisations partenaires. « Il est entendu que tous ceux qui touchent aux données doivent être sur la même longueur d’onde afin de recueillir des informations cohérentes et de qualité », explique-t-elle.
Mais pour transformer les chiffres en connaissances précieuses, les données doivent être fiables, et c’est justement ce que promet le SISA 4, la nouvelle version améliorée de la base de données qui commence à être partagée dans tout le secteur à Montréal. « Nous avons mis en œuvre le SISA 4 ici à la Mission, à la Maison du Père et à la Mission Bon Accueil, et ce n’est qu’un début, souligne Hannah. Nous allons lancer la base de données au Pavillon Patricia Mackenzie (PMP) et d’autres organisations pour femmes, comme Chez Doris et Le Chaînon, veulent se joindre à nous pour partager leurs données également. »
La base de données est également lancée dans le cadre de Projet Logement Montréal (PLM), un programme de logement auquel contribuent tous les organismes de lutte à l’itinérance à Montréal afin de parfaire les connaissances sur les clients qui sont logés et les raisons pour lesquelles certains ne le sont plus. « Nous devons en savoir plus sur des groupes spécifiques si nous voulons continuer à fournir et à améliorer des services sur mesure qui répondent à leurs besoins. C’est pourquoi nous menons des entretiens avec les participants du programme Sentinelles de la rue de la Mission, destiné aux anciens combattants sans-abri, par exemple, explique Hannah.
Le département a également mené une recherche sur l’unité de débordement d’hiver de l’ancien hôpital Royal Victoria, qui a été une première collaboration entre les plus grandes organisations de lutte à l’itinérance à Montréal, la Ville de Montréal et le CIUSSS. « L’objectif est de comprendre l’expérience des utilisateurs. C’est aussi un exercice de réflexion sur les services mis en place, » ajoute Hannah.
Comme pour toute recherche, la frontière est mince entre la collecte des informations nécessaires et le respect de la vie privée des participants. Le travail avec des personnes vulnérables ayant vécu un traumatisme peut soulever des questions éthiques. « Même dans des situations où les personnes se livrent à cœur ouvert et mettent tout sur la table, nous nous assurons de respecter leur dignité et nous protégeons leur confidentialité. Nous enlevons toute information permettant d’identifier les personnes dans les recherches que nous publions. Nous rencontrerons également les candidats à l’endroit de leur choix, généralement dans les ressources qu’ils fréquentent dans la communauté, afin qu’ils se sentent aussi à l’aise que possible », ajoute Hannah.
La recherche est primordiale pour mieux comprendre la situation des femmes sans-abri et notre équipe de recherche y travaille. « Il y a très peu d’écrits sur l’itinérance chez les femmes, affirme Hannah. Nous menons des entretiens au PMP avec McGill pour comprendre comment les femmes qui sont dans des logements de transition ou des services d’urgence vivent un traumatisme. Pour elles, se retrouver au milieu d’inconnus dans un refuge d’urgence peut être une expérience traumatisante en soi et nous n’hésitons pas à en tenir compte. »
Plus récemment, Hannah a corédigé L’État des besoins en matière de logement et de l’itinérance chez les femmes. Ce rapport, fruit d’une collaboration entre l’Observatoire canadien sur l’itinérance, le Women’s National Housing and Homelessness Network, Keepers of the Circle et l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance, explore les causes, les conséquences et les expériences de l’itinérance chez les femmes, les jeunes filles et les personnes de diverses identités de genre.
>> Accédez au sommaire exécutif du rapport ici.
Une fois les données analysées et les rapports compilés, les résultats sont diffusés simultanément à la communauté scientifique et aux organisations à but non lucratif. Pour la Mission, l’objectif est d’éclairer la prise de décision afin que les services évoluent et que les personnes restent logées.
« Pour améliorer les services aux hommes et aux femmes en situation d’itinérance, nous devons d’abord mieux comprendre ce qu’ils ont vécu et ce qu’ils vivent au quotidien, explique Georges Ohana, qui chapeaute le département. En utilisant des méthodes de recherche et d’analyse rigoureuses, l’équipe de recherche de la Mission produit des résultats révélateurs dans le cadre d’une stratégie globale visant à atteindre notre but ultime, qui est de mettre fin à l’itinérance. »
La fabuleuse équipe comprend Georges Ohana, directeur du logement, de la santé urbaine et de la recherche, Dre Kate Maurer de l’École de travail social de McGill, Hannah Brais, coordonnatrice de la recherche et Floriane Ethier, responsable de l’assurance qualité des données. Ensemble, ils publient les résultats de leurs recherches dans des revues scientifiques et partagent leurs conclusions lors de conférences.
Quatre articles publiés ou en cours de publication :
Présenté lors de six conférences :